Interdiction du port de la barbe et discrimination
Après la saga judiciaire de l’interdiction du port du voile, la Cour de cassation vient de se prononcer le 8 juillet dernier (nº 18-23.743) sur l’interdiction ou la restriction faite par l’employeur à un salarié sur le port de la barbe et, corrélativement, sur les risques de discrimination.
Un consultant en prestations de sécurité et de défense pour des gouvernements, organisations internationales ou entreprises affecté à une mission dans un pays du Golfe, s’était vu interdire le port d’une barbe taillée de manière signifiante tant sur le plan religieux que politique.
L’employeur, face au refus du salarié d’adapter la taille de sa barbe de manière plus neutre, avait prononcé un licenciement pour faute grave.
La Cour de cassation, dans un arrêt de principe publié au bulletin destiné donc à une très large diffusion, valide les décisions des juges du fond de juger nul car discriminatoire le licenciement.
On rappellera que seule une clause de neutralité générale et indifférenciée peut prévoir une telle limitation, dès lors qu’elle ne s’applique qu’aux salariés en contact avec des clients et qu’elle est prévue au règlement intérieur ou dans une note de service.
A défaut d’une telle clause prévue au règlement intérieur (ou dans une note de service), la restriction doit être analysée comme une « discrimination directement fondée sur les convictions religieuses et politiques du salarié ».
Toutefois, la Cour de cassation précise qu’une telle discrimination fondée sur les convictions religieuses et politiques peut être admise, dès lors qu’elle s’impose objectivement en raison d’une « exigence professionnelle essentielle et déterminante ».
La Haute juridiction insiste sur cette notion objective d’exigence professionnelle essentielle et déterminante, ce qui exclut toute interdiction faite par l’employeur afin notamment de tenir compte de souhaits particuliers d’un client.
La Cour de cassation précise néanmoins que l’exigence professionnelle essentielle et déterminante peut être caractérisée par la poursuite d’un objectif légitime de sécurité du personnel et des clients de l’entreprise.
Dès lors, l’employeur peut imposer des restrictions aux droits et libertés des salariés, notamment pour la taille de la barbe, afin qu’une apparence neutre soit respectée lorsqu’elle est rendue nécessaire compte tenu de situations particulières.
Dans les faits soumis à l’analyse des juges, même si l’employeur prouvait l’existence de contraintes sécuritaires importantes pour un salarié consultant envoyé en mission en Yemen, il ne prouvait toutefois pas les « risques de sécurité spécifiques liés au port de la barbe dans le cadre de l’exécution de la mission du salarié au Yémen de nature à constituer une justification à une atteinte proportionnée aux libertés du salarié ».
En l’absence de cette preuve, le licenciement a été déclaré nul (et non pas sans cause réelle et sérieuse) car fondé au moins partiellement sur un motif discriminatoire.